Confessions d’un résistant en pantoufles.

Vincent Bosc
2 min readNov 11, 2020

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Souvenirs d’un professeur confiné lors de la première vague de Covid-19.

Confinement © Vincent Bosc.

“Il y a certes le bourdonnement des bus, la lumière criarde de quelques échoppes, le bleu glacé d’un printemps qui promet, le vague crépitement d’une jungle urbaine sous l’éteignoir mais qu’importe ! Le topos littéraire d’un renouveau printanier semble désormais revisité, à l’aune d’une pandémie imprédictible.

La nature reprend ses droits : sans nous. Elle opte pour la stratégie du fait accompli, nous alerte, nous rançonne, et l’insider est invité à regagner ses pénates, à rejoindre son biotope naturel, sa télé, son lit, son duvet, sa salle d’eau et son canapé.

Les lanceurs d’alerte font le buzz. Des cétacés paradent dans le port de Cagliari tandis que l’homme se noie dans ses certitudes. La propagande delphinienne bat son plein : foutu anthropocène

Oubliez les films de Scorsese, les braquages à mains armées, les Borsalino, les règlements de compte et les existences réduites à sec. Le braqueur est tapi dans l’ombre et les victimes sont masquées : l’humanité vit désormais à front renversé. Toutes griffes dehors, les animaux se font le relais d’une humanité finissante tandis que l’homme est en-dedans. Confiné. Les clusters sont ceux d’un mauvais morceau qui fait jaser.

On se remet pourtant à rêver tout en pleurant nos morts. Reprendre le contrôle de sa vie, entrevoir la finitude du monde, la saisir devient possible. Pour combien de temps… Sonner à sa porte devient le signe d’une humanité complice, un rite d’interaction digne d’affection. On s’amuse, on ressasse, on émince, on assène, on s’assomme, on raisonne. On s’ennuie également. On tape sur nos casseroles en guettant celles de nos politiques. On troque son indépendance pour quelques shots de solitude. Et on surveille jalousement le voisin par la fenêtre, ce Résistant en jogging, militant d’un dimanche universel. Obliquer, vectoriser ces espèces d’espaces qui nous sont chers, est-ce là résister ?”

Vincent BOSC in La Clarté sombre des réverbères 3, Mai 2020, p 30, Jacques Flament Alternative Éditoriale.

© Martial Rossignol

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Vincent Bosc

Professeur d’histoire-géographie, je questionne mon métier et l’actualité sous un angle scientifique, artistique et citoyen.